Hayoun Kwon démarre son travail de vidéaste en 2006/2008. Les travaux d’Hayoun Kwon tentent à dénoncer les limites de sa réalité politique tout en créant une extension de possibilités par la fiction. Le medium numérique dans sa diversité (animation stop motion, animation 3D, réalité virtuelle etc.) est utilisé par l’artiste pour dépasser le cadre restreint d’une situation politique définie.

L’animation lui permet donc d’acquérirla liberté de volontairement théâtraliser, d’exagérer ou de pousser aux limites de la mise en scène voire d’exploiter le caractère fantasmatique du sujet. Dans 489 years et Village modèle, c’est grâce à l’animation qu’elle joue sur la fiction et le fantasme d’un territoire interdit. Elle explique ainsi le fait d’avoir créer la zone DMZ en animation plutôt que d’avoir chercher à la filmer : « On entend souvent les politiciens qui en parlent mais je ne crois pas qu’ils savent grand chose. Ce qui était important pour moi, c’était la vision subjective de quelqu’un qui connaissait bien la DMZ, en l’occurrence un soldat qui y a vécu longtemps. L’histoire de ce soldat me permit d’accéder à cet espace indirectement et de le visiter à travers ses yeux. Il s’agit d’un vécu, bien que peut-être réinventé, dans une zone interdite où la nature et le danger de mort cohabitent.

L’animation m’a permis d’exploiter/explorer le caractère fantasmatique de cette zone». Les deux éléments récurrents du travail d’Hayoun Kwon sont d’une part la frontière et d’autre part le récit immatériel, la production purement humaine, la création fictionnelle.

En ce qui concerne la frontière, il s’agitparticulièrement de celle qui divise aujourd’hui la Corée du Nord et la Corée du Sud. Intriguée par la frontière qu’elle perçoit comme un miroir renvoyant une image similaire à celui qui regarde et celui qui est regardé, elle la ressent également comme les limites d’une scène de théâtre que l’on ne peut franchir en tant que spectateur.

De ce jeu de regard mutuel qu’elle perturbe volontairement dans Pan Mun Jom, la notion de frontière prend une dimension universelle et immatérielle. La frontière devient notion et pose la question des limites physiques et mentales de l’individu. Concernant la création fictionnelle, Hayoun Know dévoile dans ses vidéos la construction de son image ainsi dans Manque de preuves, dans 489 years, dans Village modèle ou dans Pan Mun Jom.

Montrer les ressorts de construction c’est rappeler que toute image est construction politique (propagande et manipulation) et conduit à s’interroger sur la véracité de ce qui est montré, à la subjectivité de la perception. Ce qui traverse le travail d’Hayoun Kwon est une profonde réflexion sur l’identité et la frontière qui la conduit à s’interroger sur la construction d’une mémoire historique et individuelle et sur la relation ambiguë que cette mémoire entretient avec la réalité et la fiction.

 

Hayoun Kwon first began working with video between 2006 and 2008, and has since developed a practice in which the digital medium is utilized in all its diversity to transgress the definite limits imposed by contemporary political situations.

Animation affords her the freedom to dramatize, exaggerate, and push the frontiers of representation, and even to exploit the fantasmatic potential of her subject matter. She explains in the following terms her decision to animate her own version of the DMZ rather than documenting the real-life territory: “We often hear politicians talk about the DMZ but I don’t believe they really know much about it. It was important for me to have the subjective vision of someone who truly knows the DMZ. By speaking to a soldier who had spent many years there, I was able to access this space indirectly, visiting it through his eyes. So it is a lived experience, albeit a reinvented one, of a forbidden zone where nature and the risk of death cohabit. Animation allowed me to invest and to explore the zone’s fantasmatic character.”

Two recurring elements in Kwon’s work are present here: on the one hand, the border, and on the other, the immaterial story, the purely human production, the creation of fictions. Of particular interest to her is the border that divides North and South Korea, which she perceives as a kind of mirror that reflects similar images back to both the watcher and the watched, or as a theatre stage whose limits the spectator cannot transgress. The border becomes a conceptual one that poses the question of the physical and mental limits of the induvial. A sensitive reflection on identity and borders runs throughout Kwon’s work and leads her to interrogate the construction of historical and individual memory, as well as the ambiguous relationships that link memory, reality and fiction.